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Cryptoqueen: l'histoire de l'arnaque Ponzi du siècle

Ruja Ignatova. Ce nom ne vous dit probablement rien, pourtant celle qu’on surnomme la cryptoqueen est la femme la plus recherchée par le FBI. Elle doit près de 100 milliards d’euros à des millions d’investisseurs. Voici le récit d’une arnaque colossale, presque deux fois plus importante que celle mise en place par un certain Bernard Madoff, et d’une cavale invraisemblable à bord d’un yacht gigantesque qu’aucune police au monde ne parvient à localiser.


Une histoire qui n'est pas seulement divertissante à lire, mais aussi importante, parce qu'elle met en lumière le comment et le pourquoi des arnaques qui fonctionnent: le syndrome du FOMO, qui nous concerne tous, autant vous que moi.



“Je vais doubler votre portefeuille. Je vais doubler votre portefeuille.”


Tout le monde veut devenir riche... et vite.


La voix tremblante, au coeur de l’été 2016, Ruja Ignatova fait les 100 pas dans les coulisses d’un Wembley Arena comble.


Une nervosité qu’elle ne laissera pas transparaître quand elle montera plus tard sur scène, vêtue d’une robe noire digne d’un tapis rouge, et d’un rouge à lèvre écarlate, sur les notes de This Girl Is On Fire d’Alicia Keys.


Elle doit bientôt annoncer à une audience d’investisseurs survoltés, faisant des “0” avec les mains, comme un signe de ralliement au OneCoin, une solution improbable à un problème que personne ne comprend.


OneCoin, c’est la monnaie, ou plutôt la société, qu’elle a lancée deux ans et demi plus tôt. Et le problème, c’est que pour soutenir sa croissance effrénée, il faut éclater le plafond des onecoins pouvant être minés, passant de 2,1 milliards maximum (contre 120 millions pour le Bitcoin) à 120 milliards.


Ruja rassurera les investisseurs en leur promettant qu’un Onecoin vaudra toujours autant, soit 5,95 euros à l’époque. Ce qui n’est techniquement pas possible, mais pas grave, puisqu’elle ajoutera que le montant disponible sur les portefeuilles digitaux de chacun doublera, comme ça, par magie.


Alors, ce jour-là, tout le monde sera content. Qu’importe la logique, tout le monde est là pour devenir riche… et vite.


Des origines modestes mais une ambition sans limites.


Ruja, elle, l’est déjà.


Elle n’a jamais caché sa volonté de vivre dans le luxe.


Fille d’immigrés bulgares cherchant meilleure fortune en Allemagne, elle a vite compris qu’il fallait qu’elle excelle dans les études pour se démarquer. Forte d’une discipline de fer, elle a obtenu son diplôme à Oxford, puis est retournée en Bulgarie où elle a travaillé comme consultante pour McKinsey.


Une vie de paillettes, juqu’à la crise de 2008 et de la fermeture des bureaux de l’entreprise à Sofia une année plus tard.


A l’aube de ses 30 ans, Ruja connaissait un joli succès mais était loin d’être riche.


Une rencontre qui va tout changer.


Après avoir écoulé quelques années sabbatiques et brainstormé une poignée d’idées dans son appartement sofiote, elle a présente une de ces dernières - un plan retraite basé sur des cryptos - à une conférence à Singapour. C’est là qu’elle a rencontré un certain Sebastian Greenwood, moins impressionné par son speech que par ses connaissances du système bancaire.


Sebastian travaillait pour BigCoin, une société mêlant cryptomonnaies et marketing multi-niveaux (MLM).


Il a convaincu Ruja de rejoindre l’aventure.


La startup était si prometteuse que les deux complotaient chaque soir après le travail à la création d’un concurrent, dans le business lounge du Harbourg Plaza Metropolis Hotel d’Hong-Kong, à deux pas des bureaux de BigCoin.


En 2014, la paire a lancé officiellement OneCoin.


Dans la foulée, elle a employé un premier recruteur du nom de Juha, un hollandais avec de la bouteille dans la vente multi-niveaux. Lui non plus ne comprenait rien à la technologie mais il savait vendre du rêve comme personne et dans ce milieu-là, c’est ce que les gens recherchent.


MLM ou Ponzi ?


Le problème, c’est que la frontière est mince entre une boîte de MLM légale et une pyramide de Ponzi illégale.


On s’accorde à dire que, globalement, pour rester du côté légal, il faut vendre un produit et pas une possibilité de s’enrichir. Sebastian a construit un système consistant non pas à promouvoir une monnaie digitale, mais des produits digitaux - des packs de formation au trading. Et plus vous en achetiez, plus vous receviez, en bonus et gratuitement, des pièces de OneCoin.


Le but était ensuite que chaque investisseur en trouve d'autres. Les promesses de gain étaient simples: 10% sur les ventes, 10% sur le volume des ventes des affiliés et la possibilité de changer les onecoins en euros une fois que la monnaie digitale serait présente sur les grosses plateformes de trading comme Binance ou Kraken.


En août 2014, la société ne comptait que 20 000 euros d’investissement. Il était difficile de persuader des gens d’envoyer entre 100 et 5 000 euros - pour le plus gros pack “d’éducation” - à une entreprise bulgare en échange d’une monnaie digitale qui n’existait pas encore.


De Ruja Ignatova à Dr Ruja


C’est à ce moment que Ruja est devenue la face publique de OneCoin.