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Hemingway aurait-il été un bon copywriter ?

L'écrit est une fête.


Ne vous limitez pas aux livres de marketing. Lisez de la fiction. Tout y est. King, Ellis, Bukowski, Beigbeder, ce que vous voulez.


Hemingway aussi. Surtout Hemingway.


C'est ce que je réponds désormais à ceux qui sollicitent des conseils de lecture.


Souvent, on me rétorque qu'Hemingway n'était pas un copywriter.


Sous-entendu que ça ne vaut pas la peine de passer des soirées à lire ses romans.


Que s'il devait écrire une page de vente, elle n'intéresserait personne.


Et que s'il était sur 5euros.com, personne ne voudrait de ses services.


Bien sûr, c'est faux.


Tout d'abord, nombre d'auteurs ont commencé leur carrière comme copywriter. C'est notamment le cas de Fitzgerald, DeLillo, Leonard, Patterson et Rushdie ou encore Beigbeder en France.


Ensuite, comment ne pas être impressionné par des gens qui écrivent des livres composés de centaines de milliers de mots et qui comptent des millions de lecteurs à travers le monde ?


Nous, on a les genoux qui s'entrechoquent dès qu'un mail dépasse 500 mots ou une page de vente quelques milliers de mots.


Sûr, les formats ne sont pas comparables. Mais c'est peut-être aussi que leurs écrits sont bien plus passionnants que ceux qui peuplent Internet.


Une génération de copywriters obsédés par Hemingway.


Outre-Atlantique, Ernest Hemingway est devenu le dieu d'une nouvelle génération de rédacteurs web, copywriters et autres ghostwriters.


Son style simple et minimaliste est considéré comme le parangon de l'écriture parfaite.


J'ai relu dernièrement Paris est une fête. Et j'ai identifié 3 raisons pour lesquelles Hemingway aurait fait un meilleur copywriter que vous et moi réunis.


Il nous emporte dans l'histoire.


Hemingway utilise beaucoup de petits détails scéniques sans jamais nous ennuyer avec de longues descriptions.


On arrive parfaitement à imaginer ce qui se trame et on se retrouve, malgré nous, dans le feu de l'action.


Au café je rencontrai un homme, mangeur de feu de son état, qui pliait aussi en deux des pièces de monnaie en les tenant entre le pouce et l’index dans ses mâchoires édentées. Ses gencives étaient meurtries mais apparemment fermes ainsi qu’il me le fit remarquer et il me dit que ce n’était pas un mauvais métier. Je l’invitai à prendre un verre et il en fut enchanté. Il avait un beau visage sombre qui brillait et scintillait quand il mangeait du feu. Il dit que, dans une ville comme Lyon, cela ne rapportait guère de manger du feu ou de faire des tours de force avec les doigts et les mâchoires. De faux mangeurs de feu ruinaient le métier et continueraient à le ruiner partout où on les laisserait opérer. Lui-même avait mangé du feu toute la soirée sans gagner de quoi manger autre chose cette nuit-là. Je le conviai à un nouveau verre pour faire passer le goût de l’essence qui subsistait dans sa bouche après son repas de feu et lui proposai de dîner avec moi s’il connaissait un bon endroit suffisamment bon marché. Il dit qu’il en connaissait un qui était excellent. Nous fîmes un dîner très économique dans un restaurant algérien et j’aimais la nourriture et le vin d’Algérie. Le mangeur de feu était un brave homme et c’était intéressant de le voir manger et mâcher avec ses gencives aussi bien que la plupart des gens avec leurs dents.

Il rend l'étrange familier.


L'une des plus grandes qualités d'un copywriter c'est celle d'expliquer clairement une idée, un ressenti ou une émotion.


Surtout si cette idée, ce ressenti ou cette émotion taraude l'esprit du lecteur.


Le copywriter, comme tout écrivain, est un facilitateur de révélations.


Un jour j'ai lu quelque part que comprendre c'est jouir et jouir c'est comprendre.


C'est un peu l'idée.


Prenons un exemple. Hemingway aimait Paris. Mais s'il aurait pu changer une chose de la capitale c'était sa météo.


Comme beaucoup, il était triste quand le printemps tardait à pointer le bout de son nez.


Il aurait pu se contenter de le dire comme je viens de le faire. Voici l'explication complète de son sentiment.


Il y avait tant d’arbres dans la ville, que vous pouviez voir le printemps se rapprocher de jour en jour jusqu’au moment où une nuit de vent chaud l’installerait dans la place, entre le soir et le matin. Parfois d’ailleurs les lourdes pluies froides le faisaient battre en retraite et il semblait qu’il ne viendrait jamais et que ce serait une saison de moins dans votre vie. C’était le seul moment de vraie tristesse à Paris, car il y avait là quelque chose d’anormal. Vous vous attendez à être triste en automne. Une partie de vous-même meurt chaque année, quand les feuilles tombent des arbres dont les branches demeurent nues sous le vent et la froide lumière hivernale ; mais vous savez déjà qu’il y aura toujours un printemps, que le fleuve coulera de nouveau après la fonte des glaces. Aussi, quand les pluies froides tenaient bon et tuaient le printemps, on eût dit la mort inexplicable d’un adolescent. Et même si le printemps finissait toujours par venir, il était terrifiant de penser qu’il avait failli succomber.

Il décrit les choses comme il les voit.


Hemingway a le souci de la vérité brute. Qu'il explique comment il descendait les montagnes enneigées des Alpes autrichiennes ou qu'il raconte la fois où lui et Fitzgerald ont comparé la longueur de leur sexe n'y change rien.


Le résultat de cette écriture à l'objectivité journalistique est qu'on croit tout ce qu'il nous dit. Et à l'occasion on se fend même la poire. Comme le dit Bukowski, la vérité est toujours marrante.


Hemingway relate ce qui s'est passé en isolant les points qu'il considère importants. Mais il ne va pas tenter d'influencer l'interprétation du message en le ponctuant de points d'exclamation.


Finalement, alors que nous mangions la tarte aux cerises, et buvions une dernière carafe de vin, il dit : « Tu sais que je n’ai jamais couché avec personne d’autre que Zelda. — Je ne savais pas. — Je croyais te l’avoir dit. — Non. Tu m’as dit des tas de choses, mais pas ça. — C’est à ce propos que je dois te poser une question. — Bon. Vas-y. — Zelda m’a dit qu’étant donné la façon dont je suis bâti je ne pourrais jamais rendre aucune femme heureuse, et que c’était cela qui l’avait inquiétée au début. Elle m’a dit que c’était une question de taille. Je ne me suis plus jamais senti le même depuis qu’elle m’a dit ça et je voudrais savoir vraiment ce qu’il en est. — Passons aux cabinets, dis-je. — Le cabinet de qui ? — Le water », dis-je. Nous revînmes nous asseoir dans la salle, à notre table. « Tu es tout à fait normal, dis-je. Tu es très bien. Tu n’as rien à te reprocher. Quand tu te regardes de haut en bas, tu te vois en raccourci. Va au Louvre et regarde les statues, puis rentre chez toi, et regarde-toi de profil dans le miroir. — Ces statues ne sont peut-être pas à la bonne dimension. — Elles font le poids. Bien des gens pourraient les envier. — Mais pourquoi a-t-elle dit ça ? — Pour te rendre incapable d’initiative. C’est le plus vieux moyen du monde pour rendre un homme incapable d’initiative. Scott, tu m’as demandé de te donner une réponse absolument sincère et je pourrais t’en dire plus long encore, mais je t’ai dit la vérité absolue et c’est ce qu’il te faut. Tu aurais pu aller consulter un médecin. — Je n’ai pas voulu. Je voulais que tu me dises la vérité. — Est-ce que tu me crois maintenant ? — Je ne sais pas, dit-il. — Allons au Louvre, dis-je. C’est juste au bas de la rue, de l’autre côté de l’eau. »

Bref, lisez Hemingway.


Loris.

Copywriting français.

 

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