Je ne suis pas en face de vous et pourtant mes mots résonnent dans votre tête.
Pour Stephen King, l'écriture est avant tout de la télépathie.
Prenez un livre d'Hemingway. Ouvrez-le. Lisez quelques mots. Voilà qu'il vous susurre une histoire à l'oreille, alors que ça fait 60 ans qu'il n'est plus de ce monde.
Flippant. Fascinant. Puissant.
L'écriture est l'unique façon de communiquer sans limite spatio-temporelle, que vous rédigiez un article de blog, une page de vente, un email, un post Instagram ou le prochain roman best-seller.
Les mots travaillent pour vous. 7 jours sur 7, 24 heures sur 24.
Et la meilleure manière de se former à l'art de la communication écrite, c'est encore d'étudier les maîtres.
Après les conseils de Claude Hopkins et de David Ogilvy, voici ceux de Stephen King - l'homme aux 350 millions d'exemplaires vendus à travers le monde.
Attention, pour l'auteur américain, il n'est pas possible de transformer un mauvais écrivain en bon écrivain. Ou un bon écrivain en écrivain de génie.
Aïe, ça c'est dit.
Par contre, il est possible de transformer un écrivain standard en un (très) bon écrivain, moyennant un grand volume de travail et le respect scrupuleux des 10 commandements suivants.
1. Ecrivez et lisez beaucoup.
Si vous voulez devenir écrivain, il y a avant tout deux choses que vous devez impérativement faire: lire beaucoup et beaucoup écrire. Il n'existe aucun moyen de ne pas en passer par là, aucun raccourci.
L'auteur, qui se considère être un lecteur lent, dévore entre 70 et 80 livres par an...
Lire beaucoup entraîne l'esprit à différencier un mauvais texte d'un chef-d'oeuvre, une anecdote ennuyante d'une histoire qui mérite d'être partagée.
2. Fixez-vous un objectif quotidien.
Pas question d'attendre de trouver votre muse avant de visser vos formes jumelles sur votre chaise de bureau et de tapoter votre clavier.
Déterminez un objectif à atteindre chaque jour de la semaine. Ou au moins 6 jours sur 7. Prenez le dimanche comme jour de repos, si besoin.
Peu importe qu'il s'agisse d'ajouter 5 pages à votre prochain roman, d'aligner 500, 1 000 ou 2 000 mots sur votre blog ou d'écrire un nouveau poème pour votre recueil. L'important, c'est que vous ne quittiez pas votre bureau sans avoir accompli votre objectif journalier.
3. Maîtrisez la grammaire.
Mais on m'avait dit que pour devenir rédacteur web, il fallait au contraire s'affranchir des règles. Ecrire comme on parle. Faire ce qui nous plaît quoi !
Faites ce qui vous plaît. Surtout, faites ce qu'il faut pour être compris. Et, la plupart du temps, ça passe par la maîtrise d'un ensemble élémentaire de règles à suivre pour parler et écrire correctement une langue.
Il n'y a pas de miracle, pour jouer à n'importe quel jeu, il faut s'accorder sur quelques règles essentielles.
Cela dit, vous pouvez écrire comme vous parlez. Utiliser un langage oral. C'est même conseillé. Pour autant que vous parliez correctement.
Si votre post LinkedIn ressemble à un réglage de compte entre deux résidents de la Villa des Coeurs Brisés, abstenez-vous d'écrire comme vous parlez.
4. Tuez vos chéries.
Dès que les gens passent de l'oral à l'écrit, ils ont une fâcheuse tendance à se prendre pour Baudelaire... ou Einstein.
Un concours de plume pour celui qui trouvera le meilleur jeu de mots, le champ lexical le plus technique, le nouvel adjectif à la mode ou qui utilisera le plus d'adverbes, parce que ça fait chic.
Stephen King appelle ces tournures de phrase les "chéries" des écrivains.
Son conseil ? Attrapez-les toutes. Et tuez-les. Pas toutes, mais presque.
Tuez d'abord vos chéries techniques.
Un jour, un physicien du nom d'Alan Sokal a écrit un article imbuvable tellement il était rempli de jargon et il l'a soumis à un journal postmoderne en sciences sociales.
Le texte, qui était un canular, a été lu, apprécié et publié. Personne ne comprend le jargon, pas même les experts.
En voici un extrait...
Tout comme les féministes de gauche qui se contentent généralement du pro-choix et d'un agenda minimal en matière d'égalité légale et sociale pour les femmes, les mathématiciens de gauche (et même quelques socialistes) se contentent souvent de travailler sous l'hégémonique cadre de pensée de la théorie de Zermelo Fraenkel Skolem qui, reflétant ses origines libérales du XIXe siècle, incorpore l'axiome d'égalité qui est complété par l'axiome du choix.
Le jargon vous fait passer pour un connard. Ne le soyez pas.
Ensuite, tuez vos chéries invariables: les adverbes.
Pourquoi écrire il ferma brutalement la porte quand vous pouvez dire il claqua la porte ? Mieux: pourquoi devoir préciser que la porte a été fermée avec violence ? Le contexte ne devrait-il pas permettre de le comprendre ?
Quand vous devez ajouter un adverbe, c'est que le contexte n'est pas assez clair.
Et ne soyez pas de ceux qui veulent jouer aux plus malins en remplaçant un adverbe par une suite de verbes qui veulent à peu près dire la même chose.
Le King donne l'exemple suivant...
"Pose ce revolver, Utterson !" grinça Jekyll.
"Continue de m'embrasser !" hoqueta Shayna.
"Espèce de sale allumeuse !" éructa Bill.
Quand quelqu'un dit quelque chose, il le dit. Il ne le crie pas, il ne le chuchote pas. Il le dit. De quelle façon ? Sur quel ton ? C'est le contexte qui le dévoile.
5. Rédigez à la voix active.
La parole à Stevie...
Les verbes se présentent sous deux formes, la voix active et la voix passive. Avec un verbe actif, le sujet de la phrase est celui qui fait l'action. Avec un verbe passif, quelque chose est fait au sujet de la phrase. Le sujet laisse la chose se faire. Vous devriez éviter la voix passive. Ce n'est pas moi qui le dis; le conseil figure déjà dans The Elements of Style.
Messieurs Strunk & White ne cherchent pas à savoir pourquoi tant d'écrivains ont recours à la voix passive; moi, si. Je pense que les écrivains timides la chérissent pour la même raison que les amants timides chérissent des partenaires passives (ou passifs). La voix passive, c'est la sécurité. Pas d'action à prendre en compte, avec les ennuis afférents (...).
Bien sûr, il existe des exceptions, des tournures de phrases qui font saigner nos oreilles à la voix active. Exemple ? Ce footballeur a été foudroyé lors d'un match sonne mieux que la foudre a foudroyé un joueur de football lors d'un match.
6. Faites une 1re bonne impression en présentant un texte bien aéré.
Quand j'ai ouvert Voyage au bout de la nuit pour la 1re fois, j'ai compris que sa lecture allait me demander énormément d'énergie.
Plus de 500 pages sans aucune marge. Des mots imprimés si petits que je me suis mis à chercher une loupe pas trop chère sur Amazon. Des paragraphes sans fin qui me donnaient le tournis avant même que je me sois plongé dans la lecture du chef-d'oeuvre de Céline.
Mes efforts ont été récompensés. L'auteur français est un génie. Mais ce n'était pas de tout repos.
Il y a des textes qui vous font l'effet d'une fondue en pleine canicule. Et d'autres qui, au contraire, sont aussi légers que les meilleures meringues comme le dirait le King.
La différence entre les deux ? L'espacement du texte, en grande partie.
A l'école, on nous a appris que chaque paragraphe doit comporter une idée.
Pour le créateur de Shining, les paragraphes se dessinent naturellement sous les coups de plume de l'écrivain.
Ils impriment le rythme de lecture et non la mélodie du récit.
Si, dans votre tête, un paragraphe ne comporte qu'un seul mot, ainsi soit-il.
Si, dans votre tête, une idée s'allonge sur 2, 3 ou même 4 paragraphes, amen.
7. Ecrivez chaque texte 2x et lisez-le 1x à voix haute.
Chacun de mes textes subit 3 moutures, que ce soit un article de blog, un mail ou une page de vente.
La 1re version d'un texte m'est dédiée. Je mets au clair ce que j'ai appris sur le sujet en question.
La 2e s'adresse à mon Client Idéal ou Fidèle Lecteur.
La 3e répond aux objections les plus courantes. Elle transforme mon texte en un véhicule blindé qui se dirige, inattaquable, dans le cerveau du prospect.
Je relis enfin chaque texte 7 à 10x à voix haute.
Je suis un copywriter. J'écris pour persuader.
Stephen King écrit pour divertir. Si votre oeuvre est une fiction, il conseille d'écrire votre histoire une 1re fois, la plus rapidement possible. Puis une 2e fois, pour l'épurer et la clarifier, pour tuer vos chéries. Enfin, relisez votre texte en entier à voix haute pour fluidifier au maximum sa lecture.
8. Dites la vérité.
Ça y est, c'est maintenant certain, vous voulez vivre de votre plume ou du moins développer votre communication écrite ?
Se pose alors la grande question: de quoi allez-vous parler ? Suivie de la tout aussi grande réponse: de ce qui vous chante. De n'importe quoi - mais à une seule condition, dire la vérité.
Ce que vous savez, vous, est ce qui vous rend unique à votre façon. Soyez courageux. Allez repérer les positions de l'ennemi, revenez et racontez-nous ce que vous avez vu.
Fiction ou pas, comme disait David Ogilvy: Dites la vérité, mais rendez-la intéressante.
9. Commencez par l'histoire, terminez par le thème.
Quand on décide de coucher des mots sur un fichier Word, c'est souvent pour partager une idée ou une opinion sur un grand sujet.
C'est pour dire combien l'entrepreneuriat a changé notre vie. Pour inciter les autres à trouver leur liberté. Pour les aider à gagner leur indépendance.
Ensuite, et dans un 2e temps, on imagine les histoires qui peuvent soutenir notre argumentaire.
Le King nous incite à penser dans le sens inverse. Partez d'une histoire. Encore mieux, d'une simple situation. Et laissez-la arriver au thème plus général.
C'est l'histoire qui guide l'article et pas l'article qui guide l'histoire.
Certaines des idées qui ont engendré ces livres {ndlr: les meilleures oeuvres de fiction} sont plus complexes que d'autres, mais, dans leur majorité, elles ont au départ la brutale simplicité d'une vitrine de grand magasin ou d'un tableau de cire. Je place un groupe de personnages (ou peut-être seulement deux, voir un) dans une situation plus ou moins désagréable et j'observe comment ils font pour s'en sortir. Mon job ne consiste pas à les aider, ou à les manipuler jusqu'à ce qu'ils soient en sécurité - ça, c'est la bruyante méthode de l'intrigue au marteau-piqueur - mais de regarder ce qui se passe et de l'écrire.
La situation vient en premier. Les personnages qui, au début, sont toujours sans relief et sans traits définis, viennent ensuite.
10. Visez la résonance.
Ce que je recherche le plus est ce que j'appelle la résonance, quelque chose dont l'écho se répercutera encore un peu de temps dans l'esprit (et le coeur) du Fidèle Lecteur, lorsqu'il aura refermé le livre et l'aura rangé sur une étagère.
Comment faire pour que votre texte résonne dans le coeur de vos lecteurs ? Pour qu'à la fin de la journée, de tous les articles qu'ils ont lus, ce soit le vôtre dont ils se souviennent ?
En vous adressant à une personne précise: votre Client Idéal si vous rédigez pour vendre. Votre Lecteur Idéal si vous écrivez pour divertir.
Quelqu'un - impossible de me rappeler qui - a écrit un jour que les romans sont tous, sans exception, des lettres adressées à une personne précise. Il se trouve que je le crois aussi. Je pense que tout romancier a un unique lecteur idéal, qu'à différents stades de la composition de son ouvrage, il se dit: Je me demande ce qu'il en penserait, s'il le lisait ? Pour moi, ce 1er lecteur est une lectrice, ma femme Tabitha.
En conclusion: écrivez toujours pour votre Fidèle Lecteur.
Ce guide est un libre résumé de l'ouvrage de Stephen King, Ecriture: mémoires d'un métier, publié en 2003, ponctué de quelques anecdotes et réflexions personnelles, tirées de mon expérience de copywriter.
Si vous ne deviez retenir qu'une chose de cet article, ce serait que...
(...) le lecteur doit être votre principal souci; sans votre Fidèle Lecteur, vous n'êtes qu'une voix qui couine dans le vide.
Ne soyez pas une voix qui couine dans le vide.
Loris. Copywriting français.
P.S.: cet article fait partie d'une série, Ecrivez comme ... (ou presque). S'il vous a mis des papillons dans le ventre, vous allez adorer les posts suivants.
Rejoignez Encre canaille, la seule newsletter qui vous apprend à écrire des textes qui ont une voix.
Comments