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Si la Joconde est si célèbre, ce n'est pas grâce à De Vinci.

Un milliard d’€: c’est la valeur estimée du sourire le plus mystérieux au monde, celui de la Joconde. C’est aussi deux fois celle du tableau le plus cher jamais vendu. Et le plus dingue dans cette histoire, c’est que si la Mona Lisa de De Vinci vaut tant, ce n’est pas (seulement) grâce au coup de génie de l’artiste, mais aussi et surtout au coup de folie d’un peintre en bâtiment, survenu près de 400 ans après sa mort.



Le 21 août 1911, sous une chaleur caniculaire, un peintre, en bâtiment lui, s’immisce incognito dans le musée, repart avec la Joconde et signe, sans trop s’en douter, le coup du siècle.


Vincenzo Peruggia se fout de De Vinci. S’il a agi de la sorte, c’est moins par sensibilité artistique que par sentiment nationaliste. Il souhaite redonner à l’Italie ce qu’il estime lui appartenir.


Il avait d’ailleurs comme objectif de dérober le Parnasse d’Andrea Mantegna, une oeuvre réellement considérée comme majeure par tous. Il a fini par décrocher la Joconde parce que, de taille plus petite, la peinture était plus facilement transportable. C’était là son principal atout.


Et c’est vrai que si la Joconde a toujours fréquenté les hautes sphères de la société, tous les yeux n’ont pas constamment été braqués sur elle.


Par exemple, à l’abolition de la Monarchie en 1793, le tableau quitte Versailles direction le Louvre (entre-temps devenu Muséum central des arts de la République, avant de reprendre son nom)... dans une caisse en bois, où il restera 5 ans avant d’être considéré digne d’être accroché à une cimaise.


De même, en 1870, quand la France déclare la guerre à la Prusse, les oeuvres d’art du Louvre sont acheminées par train dans un endroit sûr pour les protéger des attaques ennemies.


La Joconde ne fait pas partie du 1er convoi, avec les peintures les plus prestigieuses, mais du 2e, avec les oeuvres importantes mais pas non plus incroyables.


Disons, parmi celles qu’on n’aurait pas le réflexe de sauver en cas d’incendie.


Belle mais volage, la Mona Lisa de De Vinci a d’ailleurs connu un nombre incalculable de propriétaires.


C’est Francesco del Giocondo qui a mandaté le peintre italien pour qu’il tire le portrait de sa femme, Lisa Gherardini, dit également Mona Lisa… ou la Gioconda.


De Vinci, perfectionniste, ne finira jamais le tableau, ajoutant au fil des années un détail par-ci et un autre par-là. A sa mort, l'artiste lègue ses biens, oeuvres comprises, à un autre peintre: Melzi, qui vend la Joconde à François 1er. La pauvre passe dans les mains d’Anne d’Autriche, puis est amenée par son fils, Louis XIV au Louvre, puis au palais des Tuileries, puis à Versailles, retour au Louvre, puis chez Joséphine, retour au Louvre, ensuite à Brest, et encore retour au Louvre… où la dizaine de visiteurs quotidiens ne lui accorde que peu d’attention.


Jusqu’au lundi 21 août 1911, jour où la Joconde a été enlevée par Vincenzo Peruggia.


Faut dire qu’à cette époque, le Louvre n’était pas ce qu’il est aujourd’hui. C’était une véritable passoire, pire que la défense du Qatar à la Coupe du Monde.


Imaginez: le lundi était un jour férié, alors toutes les portes restaient ouvertes pour faciliter les nettoyages et l’évacuation des déchets. Les surveillants habitaient directement dans le musée. La signature olfactive du Louvre c’était soit un fumet de boeuf bourguignon soit celui d’une soupe aux choux. D’ailleurs, le risque incendie était à son comble. Alors les oeuvres étaient simplement accrochées à l’aide de deux vis, pour qu’elles puissent être facilement décrochées si le feu se déclarait dans une salle.


Pour vous dire à quelle point l’ambiance était chill, personne n’a remarqué le vol de la Joconde avant le lendemain. Et ce n’est pas un surveillant mais un peintre venu avant l’ouverture pour s’entraîner à copier l’oeuvre de ses maîtres préférés qui a tiré la sonnette d’alarme.


On est en plein mois d’août ; le directeur du musée est en villégiature, injoignable, et l’auteur des faits se barre peinard.


L’affaire fait grand bruit.


C’est un scandale non seulement national mais international.


La France est moquée pour son incompétence.


Les autorités redoublent d’efforts pour trouver le coupable, fouillent tout le pays et vont tenter de le chercher jusqu’aux Etats-Unis. En vain, ce qui fait le bonheur des journalistes qui montent l’affaire en épingle.


L’histoire se vend comme des petits pains et des centaines de visiteurs s’amassent dans la salle du Louvre quotidiennement pour non plus y voir les oeuvres, mais le cadre vide où figurait jadis la Joconde.


Picasso et Apollinaire finissent en garde-à-vue à cause d’une fréquentation commune qui avait volé 3 statuettes de rien du tout au Louvre, mais sont finalement relaxés pour manque de preuves.


A la suite de mauvaises négociations avec le directeur de la Galleria degli Uffizi, Vincenzo se fait prendre les mains dans le sac.


La police italienne prend possession du précieux tableau. Ce dernier attire des centaines de milliers de curieux dans les villes d’Italie par lesquelles il est acheminé avant de rejoindre la capitale de l’Hexagone, où il est accueilli en héros.


Le Louvre passe d’une dizaine à des milliers de visiteurs quotidiens après le retour du tableau.


Auparavant gratuite, l’entrée au musée est désormais payante.


C'est ce qu'on appelle une affaire qui roule. De manière certes accidentelle, mais quand même spectaculaire.


Aujourd’hui, ils sont 30 000 par jour à payer un billet pour prendre des selfies aux côtés de la Mona Lisa de De Vinci.


Ce n’est pas la Joconde qui a rendu riche le Louvre mais son vol.


Ce n’est pas le coup de génie du peintre qui a fait l’oeuvre mais le coup de folie d’un peintre en bâtiment.


Comme quoi, parfois, on ne s’aperçoit de la valeur d’une présence qu’une fois qu’elle s'absente.



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