Ce que j'aime chez Hemingway, c'est qu'on ne continue pas de le lire pour paraître intelligent ou parce qu'un prof binoclard nous l'oblige. On continue de le lire parce qu'il se passe quelque chose en nous. Quelque chose de massif.
Bang. Pam. Pow. Choisissez l’onomatopée qui vous plaît.
Le matin du 2 juillet 1961, c’est celui de trop pour Ernest Hemingway. De retour d’un séjour en clinique, il se rend à l'évidence: ni les médicaments ni les électrochocs à répétition ne lui ont permis de retrouver goût à la vie.
Il trouve sans mal les clés de l’armoire où repose sa collection d’armes à feu que Welsh, sa femme, était censée tenir hors de sa portée.
Ça fait déjà quelques années qu’il peine à écrire. Et comme disait Bukowski, quand vous n’arrivez pas à pondre la phrase d’après ça ne veut pas dire que vous êtes vieux, ça veut dire que vous êtes mort.
Comment choisit-on l’instrument qui va nous ôter la vie ? Est-ce que des critères de beauté entrent en jeu, parce qu’un geste fou se doit d’être esthétique ? Ou mise-t-on sur l’arme la plus efficace, histoire d’être certain de ne pas avoir à recommencer ?
Mystère qu’Hemingway emportera avec lui.
Ce qui est sûr, c’est qu’il sélectionne un fusil qu’il charge de quelques balles. Une seule suffira.
L’écrivain pose son index imposant sur la gâchette.
La nuit tombe. Libératrice. Bienfaisante. Eternelle.
La beauté des choses qui passent, la solidité de celles qui restent.
Je déteste les clichés mais il n'existe aucune autre façon de le dire: Hemingway a révolutionné la littérature.
Son style minimaliste, d'abord décrié par les coincés de la lettre, est aujourd'hui admiré, jalousé et imité par des millions de lecteurs et d'écrivains à travers le monde.
Son oeuvre a été récompensée du Prix Pulitzer de la fiction pour Le vieil homme et la mer en 1953 et du Prix Nobel de littérature l'année suivante.
On ne compte plus les analyses d'experts en la matière, qui décortiquent l'écriture de l'Américain mot après mot, ligne après ligne.
Je vais éviter de pondre un énième article ronflant sur le style d'Hemingway.
Le voici résumé en une phrase: pauvre à l'écriture, riche à la lecture.
Ce qui m'intéresse, ce sont ces conseils d'écriture. J'en présente ici 10.
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1. Tout ce qu'il vous faut c'est écrire une seule phrase vraie.
Ne t’en fais pas. Tu as toujours écrit jusqu’à présent, et tu continueras. Ce qu’il faut c’est écrire une seule phrase vraie. Écris la phrase la plus vraie que tu connaisses.
Pour éviter le syndrome de la page blanche, le natif d'Oak Park terminait toujours sa journée d'écriture en ayant une idée de la suite de son roman.
Et si le lendemain il était tout de même bloqué, il tentait de trouver la 1re phrase vraie qui traversait son esprit.
Il n'essayait pas de dire quelque chose de philosophique, de beau ou d'intéressant. C'était de la fioriture bonne à jeter à la poubelle.
Tout ce qu'il voulait c'était mettre sur papier une affirmation simple et vraie.
Et c'est le conseil le plus pertinent du monde.
2. Identifiez ce qui a fait naître une émotion.
Trouvez ce qui a provoqué en vous l'émotion, l'action qui a provoqué l'excitation. Puis écrivez-la en la rendant claire pour que le lecteur la voit aussi et éprouve le même sentiment que vous.
Si vous voulez rendre votre écriture plus émotionnelle, suivez ce conseil.
Identifiez la situation, le détail ou l'action qui a provoqué une émotion en vous et débutez votre écrit par ça.
Ne faites pas comme les autres écrivains qui tentent d'écrire uniquement des trucs beaux ou intelligents ou utiles et qui finissent par pondre des textes pénibles à lire, qui ont un goût d'artificiel, d'inauthentique, de plastique.
3. Ecrivez pour vous et une personne qui vous est chère.
Je crois que, fondamentalement, vous écrivez pour deux personnes : vous-même, pour essayer de rendre votre texte absolument parfait (...). Ensuite, vous écrivez pour la personne que vous aimez, qu'elle sache lire ou écrire ou non et qu'elle soit vivante ou morte.
Les textes les plus persuasifs sont ceux qui donnent l'impression de suivre une conversation. Entre vous et votre Fidèle Lecteur ou votre Client Idéal.
Si ça fonctionne si bien c'est parce que votre interlocuteur n'est pas une moyenne de vos clients mais un humain à part entière.
Ça, les copywriters nous le répètent assez.
Ce qu'ils ont tendance à éclipser c'est que vous êtes un humain vous aussi. Et que le soir, quand vous faites votre toilette, vous vous retrouvez seul face à votre miroir.
Et un miroir ne ment jamais.
Comme le disait l'indétrônable Ogilvy, n'écrivez jamais une publicité que vous ne voudriez pas que votre famille lise.
4. Libérez-vous de vos obsessions (et s'il vous en reste une, allez-y à fond).
Je dois écrire pour être heureux, que je sois payé ou non. C'est une sacré maladie congénitale. J'aime le faire. Ce qui est encore pire. Ça fait passer la maladie au rang de vice. Puis je veux le faire mieux que quiconque, ce qui en fait une obsession. Une obsession, c'est terrible. J'espère que tu n'en as pas. C'est la seule qui me reste.
J'espère pour vous que vous ne souffrez d'aucune obsession. Mais si, comme moi, il y a une activité qui vous rend malade quand vous ne la pratiquez pas, laissez-la vous consumez. De toute façon c'est la raison pour laquelle on se souviendra de vous.
5. Affrontez les immortels.
Ce qu'un écrivain de notre époque doit faire, c'est écrire ce qui n'a pas été écrit auparavant ou faire mieux que les morts.
L'auteur de Paris est une fête se foutait d'affronter ses collègues vivants. Il entretenait une riche correspondance avec Pound, Faulkner ou encore Fitzgerald mais ne les voyaient pas comme des concurrents.
Sa plume montait sur le ring pour mettre KO Turgenieff, botter le cul de Maupassant et agenouiller Flaubert.
Faites comme lui, visez plus haut.
6. Evitez l'argot.
N'utilisez jamais d'argot sauf dans les dialogues et seulement quand c'est inévitable. Car tout argot est dépassé en peu de temps. Je n'utilise que des jurons, par exemple, qui ont duré au moins mille ans, de peur d'obtenir des trucs qui seront simplement opportuns et qui tourneront vite au vinaigre.
Ecrire comme on parle c'est très bien. Mais si wesh on parle comme ça tmtc ou alors comme une citadine-haan, Vogue au bec-haann qui raconte son samedi à Megève-han ou si votre prose ressemble à un clash des Marseillais à Dubaï: écrivez comme vous écrivez et non pas comme vous parlez.
Utilisez des mots qui ont le potentiel de marquer l'histoire.
Donc stop les blagues sur Nabilla - non mais allô quoi - et Jean-Pierre Fanguin - la question est vite répondue.
7. Ecoutez.
Écoutez. Quand les gens parlent, écoutez attentivement. Ne pensez pas à ce que vous allez dire. La plupart des gens n'écoutent jamais. Ils n'observent pas non plus. Vous devriez pouvoir entrer dans une pièce et, lorsque vous en ressortez, savoir tout ce que vous y avez vu, et plus. Si cette pièce vous a provoqué un sentiment, vous devriez savoir exactement ce qui a déclenché ce sentiment. Pratiquez l'écoute.
...
8. Parlez de la météo.
N'oubliez pas de parler de la météo dans votre putain de livre - la météo est très importante.
La littérature, et plus généralement l'écriture, est une pratique bizarre empreinte d'un esprit supérieur, presque noble.
On pense que dès qu'on prend la plume, c'est pour écrire des choses sérieuses, pas de la pluie et du beau temps.
Pour Hemingway, la météo joue un rôle important dans l'expérience de notre vie. A tel point que lorsqu'il écrivait et il faisait beau, le soleil était présent aussi dans ses textes. S'il pleuvait, les gouttes tombaient sur ses personnages.
Ecrire, c'est dire la vérité. Et la vérité c'est qu'on est de meilleure humeur quand il y a du soleil (sauf si vous êtes une sorte de vampire).
9. Donnez tout.
Après un livre, je suis émotionnellement épuisé. Si vous ne l'êtes pas, vous n'avez pas transféré toutes vos émotions au lecteur. En tout cas, c'est comme ça que ça marche pour moi.
La phase qui précède l'écriture est anxiogène. La phase d'écriture est cathartique. La phase qui suit l'écriture est assommante.
Si vous pouvez rire et pleurer et apprécier un bon verre de vin sans vous ruer sur la bouteille comme une vague s'échoue sur un rocher, c'est que vous n'avez pas tout donné.
Quand vous écrivez, ne cherchez pas à briller par votre style, à convaincre vos prospects ou à vouloir refourguer à tout prix votre dernière formation.
Contentez-vous d'écrire une vraie phrase. Et puis une autre et encore une autre. Jusqu'à épuisement.
Hemingway affirmait ne jamais écrire et faire l'amour en même temps parce que les deux activités alimentées par le même moteur.
10. Embrassez la solitude.
Vous devez être prêt à travailler sans jamais entendre les applaudissements. Quand votre 1er jet est terminé, c'est là que l'enthousiasme est à son comble. Mais personne ne peut le voir tant que vous ne l'avez pas relu encore et encore jusqu'à ce que vous ayez communiqué l'émotion, les images et les sons voulus au lecteur, et lorsque vous aurez terminé, les mots, parfois, n'auront plus de sens pour vous lorsque vous les lirez, tant vous les aurez relus. Au moment où le livre sort, vous avez commencé autre chose, tout est derrière vous et vous ne voulez pas en entendre parler.
Imaginez découvrir un titre de musique si bon que vous ne pouvez vous empêcher de l'écouter jusqu'à ce qu'il vous donne la nausée.
Vous en découvrez un nouveau et quand vous ne pouvez plus écouter autre chose que ce nouveau titre, tout le monde vous parle du précédent.
Vous vous sentez seul.
C'est ça l'écriture.
Que voulez-vous faire ? On ne choisit pas ses obsessions.
Loris.
Copywriting français.
P.S.: cet article fait partie d'une série, Ecrivez comme ... (ou presque). S'il vous a mis des papillons dans le ventre, vous allez adorer les posts suivants.
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